Les rues aux écoles à Paris, une solution à développer

Expérimentée dans le cadre du déconfinement pour le respect de la distanciation physique et contre la pollution, la signalétique et les aménagements dans les rues avec un établissement scolaire se multiplient dans Paris sous le noms de « rues aux écoles » pour sécuriser le trajet des enfants jusqu'à leur établissement.

 
 

De quoi s'agit-il ? 

Les « rues aux écoles » consistent au réaménagement des abords d'écoles maternelles et primaires en vue de réduire voire de supprimer le trafic automobile, de manière permanente ou temporaire aux heures d'entrée et de sortie des classes. 

Les enfants étant particulièrement sensibles à l'état de leur environnement, ces rues ont vocation à lutter contre la pollution de l'air localement, à réduire les nuisances sonores et à sécuriser le chemin de l'école. 

Cependant ces dispositifs ne sont pas possibles devant toutes les écoles de la capitale, à cause de leur emplacement géographique, du réseau de transports en commun ou des schémas de circulation. Les travaux pour piétonniser ou végétaliser sont longs et minutieux mais pas toujours adaptés à chaque situation.

Quand la circulation ne peut pas être totalement coupée, la rue peut être transformée en aire piétonne, où seuls certains véhicules peuvent y circuler à la vitesse du pas, les piétons étant prioritaires sur la chaussée. Parfois des barrières sont fermées et ouvertes en fonction des horaires, notamment lorsque les enfants arrivent et partent de l'école.

 
 

Le passage des véhicules de secours, de transport de personnes handicapées et de livraison reste ainsi assuré. 

Pour quels objectifs ? 

Mieux partager l'espace public entre toutes et tous, apaiser notre quotidien et nos rues, protéger les enfants,  lutter contre la pollution de l'air… 

Enfants, parents, équipes éducatives et riverains des écoles commencent ainsi leur journée dans un environnement plus serein, moins bruyant, plus sécurisé et moins pollué. 

Ce dispositif doit également contribuer aux efforts mis en œuvre par la Ville de Paris pour lutter contre les effets du réchauffement climatique (îlots de chaleur urbain), en adaptant la ville à des températures plus élevées via notamment le débitumage de certaines rues et leur végétalisation. 

"Parce qu’il y a une accélération du dérèglement climatique, parce qu’il y a de la pollution de l’air, des nuisances sonores, on veut une ville plus apaisée. Une ville où les enfants et leurs familles peuvent se balader, marcher sans craindre de se faire renverser. On va changer le modèle de ville", détaille David Belliard l’adjoint à la transformation de l’espace public.( France 3 Régions 31/08/2020)

 
 

Combien de rues  ?

La mairie de Paris annonce ce début octobre 2021 que 59 rues aux écoles ont été créées durant l'été 2021. Elles se sont ajoutées aux 59 autres rues déjà réalisées pendant l'été 2020 et celles qui l’étaient auparavant pour un total de plus de 150 rues (source :Site de la ville de Paris ).

Et 300 « rues aux écoles » d'ici à la fin de la mandature.

Pendant la campagne des municipales, Anne Hidalgo s'est engagée à interdire aux voitures les abords des 300 écoles parisiennes les plus polluées. 

Ce chiffre représente environ un tiers des établissements scolaires à Paris. Ce chiffre apparaît donc relativement ambitieux, mais les aménagements réalisés et le choix des écoles sont à améliorer.

Quelles améliorations pour les prochaines rues aux écoles ?

Ces rues ont été jusqu'à présent sélectionnées sur la base d'un critère majoritaire de facilité à être aménagées, et selon les retours des mairies d'arrondissement. Ainsi, ce sont davantage de petites rues, subissant déjà peu de trafic, et donc peu polluées, qui ont été privilégiées pour les premières vagues de travaux. Les associations de lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air regrettent que les écoles polluées n'aient pas été prioritaires. Elles comprennent malgré tout ce choix stratégique, et espèrent que les prochaines vagues d’aménagements permettront de cibler directement les écoles les plus concernées par la pollution de l'air.

Bien que le timing semble respecté en termes de nombre de rues réalisées, l'ambition dans le choix des rues et dans les aménagements réalisés n'est pas encore au niveau des attentes en termes d'impact sur la pollution de l'air et la réappropriation de l'espace par les piétons, parents et enfants. Les aménagements réalisés sont parfois très sommaires, peu esthétiques et ne suffisent pas pour permettre aux piétons de circuler en sécurité dans la rue. Ils ne sont pas toujours suffisamment contraignants pour les automobilistes en étant parfois limités à de la signalétique seule . 

 
 

Ainsi, les associations comme la coalition La Rue est à Nous demandent à être impliquées dans le choix des prochaines rues aux écoles. La demande a été entendue et validée en théorie par la ville de Paris, mais n'a pas encore concrètement pris effet.

“ Ces rues aux écoles sont une mesure phare de la ville ; très attendues par le grand public. Nous veillons à ce que les engagements de la ville soient respectés, et qu’elles permettent effectivement la réappropriation par les parents et enfants de l’espace public “ Adrienne, de la coalition La Rue est à Nous

 
 

Les associations demandent également : 

  • Un minimum de 25% de « rues aux écoles » aux abords d’écoles évaluées « rouge » par l'association Respire (NO2 > 20 microgramme) (carte Respire carte de la pollution autour des établissements scolaires en Ile-de-France -crèches, écoles, collèges et lycées ) ;

  • La co- construction des projets d'aménagement entre les associations qui travaillent sur le sujet, les parents d’élèves et les services de la ville en charge du projet, notamment pour les rues « difficiles ». Cela permettrait de mieux comprendre la situation, les enjeux, et les envies ;

  • Des aménagements plus complexes pour un ratio > 50% d'écoles  piétonnes : où la circulation automobile est interdite de manière permanente .

 
 

Enfin, les associations souhaitent que ces mesures très localisées sur le territoire soient intégrées dans une démarche plus globale de réduction du trafic à l’échelle des quartiers, voire de la ville. Cela éviterait que ces rues aux écoles reportent simplement le trafic d’une rue à une autre et permettrait la réduction du trafic à la source. Cela se fait parfois dans le cadre des démarches “Embellir votre quartier” lancées par la Ville de Paris en 2021. Pour aller plus loin, les associations demandent ainsi la révision du plan de circulation globale de Paris, ainsi qu’une réflexion autour des portes de Paris et des transports collectifs ou actifs adéquats. 

En résumé, voici les avantages et inconvénients du système parisien


 

Les PLUS du système parisien

+ Une volonté politique de réduire la place de la voiture en ville et de partager l’espace public plus équitablement

+ Une volonté politique de lutter contre la pollution de l’air et la pollution sonore

+ Un objectif de 300 rues aux écoles en fin de mandature (2026)

+ La prise en compte du bien être et de la vulnérabilité des enfants dans la ville 

+ Un nombre de rues aux écoles réalisées en accord avec les objectifs fixés : environ 150 rues aux écoles déjà réalisées (rentrée 2021)

+ Des places de parking réaffectées à la végétalisation ou à des espaces conviviaux.

Les MOINS du système parisien

- Le manque d’implication des parents et des associations dans le choix des écoles, et la co-construction des aménagements.

- Des aménagements très ponctuels : un risque de report d’une rue à l’autre, et un manque de vision globale du trafic à l’échelle de Paris.

- Les rues les plus polluées ne sont pas aménagées en priorité

- Des rues aux écoles de plus en plus polluées en périphérie (report de circulation). 

- Des aménagements parfois pas assez contraignants pour les automobilistes (marquage au sol, panneaux...) : les rues ne sont pas toujours fermées complètement à la circulation. 

- Des aménagements souvent sommaires, et peu qualitatifs (pas de mobilier urbain, peu de végétalisation, manque de couleur, etc.).

 

Et si des villes souhaitent s'inspirer du bel exemple de Paris, voici quelques conseils pour ne pas se heurter aux mêmes difficultés:

  • S’attaquer prioritairement aux écoles dont le niveau de pollution est le plus important, notamment les grands axes ;

  • Co construire au maximum les projets d’aménagement avec les usagers (habitants, parents, enfants) et les associations impliquées sur le sujet ;

  • Privilégier l’urbanisme tactique dans un premier temps pour tester l’efficacité de l’aménagement, avant de le finaliser de façon permanente mais aussi de l’embellir (mobilier urbain, jolie signalétique, végétalisation etc.),afin d’assurer la réappropriation par les piétons de l’espace. La végétalisation et la signalétique sont des marqueurs de rues aux écoles réussies.

  • Privilégier la fermeture permanente des rues, et si ce n’est pas possible, mettre en place une signalétique visible et des aménagements adéquats (ex. aire piétonne).

 
 

En conclusion voici une petite description de ce que serait la rue aux écoles idéale, quelle que soit sa ville .

Elle est le fruit d’un processus de co-construction entre les services de la ville, les parents, les enfants et les associations concernées. Malgrés sa localisation entre de grands axes très fréquentés, les enfants peuvent y évoluer en toute sécurité quelle que soit l’heure de la journée. Les anciennes places de parking bitumées leurs permettent de planter des fleurs ou des framboisiers qu’ils pourront récolter à la saison voulue. Les parents attendent leurs enfants à la sortie en discutant à la terrasse du salon de thé pendant que les plus petits jouent à la marelle et les plus grands au foot au milieu de la rue.

La rue est belle, agréable avec ses marquages colorés au sol, ses arbres et arbustes plantés pour faire de l’ombre l’été.Tous les matins, les enfants, les parents et les enseignants commencent leur journée sereinement, en toute sécurité en oubliant le vacarme, la pollution et le danger qui guettent au bout de la rue. Les riverains et les commerçants profitent pleinement de cette réapropriation de l’espace public confisqué durant de nombreuses années par et pour l’automobile.
La rue aux école réussie est une rue aux habitants de la ville, c’est une rue à la vie.

C’est la rue de la ville de demain.

Cathy Lamri
Chef du projet Paris | Paris sans Voiture

 
 
Emma Kemp